Un neurochirurgien italien, le Professeur Sergio Canavaro, prétend que les transplantations de tête seront possibles d’ici à deux ans. Entre la faisabilité technique et les problèmes d’éthique que cela soulève, son affirmation divise le corps médical. Décryptage d’une possible avancée chirurgicale.
Une greffe techniquement faisable
Spécialiste de la stimulation cérébrale s’étant distingué en 2008 pour avoir sorti du coma végétatif une Italienne d’une vingtaine d’année, opérant dans une des meilleures structures Turinoises, le neurologue Sergio Canavaro a récemment publié dans le Surgical Neurology International ((Surgical Neurology International : revue scientifique médicale)) les travaux de son projet HEAVEN/GEMINI (Head Anastomosis Venture with Cord Fusion). Si du point de vue de la faisabilité technique, le nœud du problème était jusqu’alors de préserver la continuité de la moelle, ceci n’est plus un obstacle pour le neurologue grâce à l’utilisation de substances biologiques « collantes » fusogéniques ((Fusogénique vient du verbe fuser : qui se répand imperceptiblement, notamment en fondant, comme la cire)) permettant de rétablir les liens entre les fibres nerveuses :
Les tests sont désormais inutiles car nous avons toutes les données recueillies dans les années 70 par le professeur Robert J. White qui avait effectué plusieurs opérations sur des macaques. Depuis 1986, trois équipes américaines travaillent sur ce type de projet.
Deux obstacles : l’organisation et l’éthique
S’il n’y a donc plus d’élément rédhibitoire du point de vue technique, il reste donc les problématiques éthiques et organisationnelles.
Une greffe à 10 millions d’euros
Les ressources à mobiliser pour une telle opération sont colossales. Sergio Canavaro prend comme point de repère la greffe de visage :
Lorsque les Américains ont fait leur première greffe de visage, une centaine de médecins et de personnel médical ont été requis. Coordonner tout ce personnel n’est pas simple. De fait, l’opération est estimée à dix millions d’euros, soit moins que le salaire d’un footballeur !
Les considérations éthiques
Il n’est pas question bien-sûr de profiter des possibilités offertes par la greffe de tête pour changer de tête comme on changerait d’avatar sur un réseau social sur Internet. L’opération est sérieuse et la réussite non garantie, notamment en raison des risques importants de rejets de la greffe pour raisons psychologiques. Le donneur est dans ce cas un individu mort suite à un traumatisme crânien mais ses organes sont sains. Le receveur doit être atteint quant à lui d’une maladie neuromusculaire dégénérative ou être tétraplégique.
Le scepticisme de la communauté médicale et scientifique
De son côté des Alpes, en Italie, comme du nôtre en France, sa proposition soulève beaucoup d’interrogations et de doutes, au point que Sergio Canavero vient de proposer l’organisation d’un débat public. Pour le Docteur Marc Lévêque, neurochirurgien à la Pitié-Salpêtrière, si la première partie de l’opération est faisable, il ne partage pas la conviction de son confrère italien quant à la suffisance de 10% des voies descendantes pour des fonctions motrices normales. Il n’est pas le seul, puisque le Professeur Didier Orsal, professeur honoraire à l’université Pierre et Marie Curie, note également que les tests sur la restauration fonctionnelle, réalisés sur des cochons d’Inde n’ayant eu qu’une section partielle de moelle, n’étaient pas probants.
Il semble légitime de s’interroger sur les chances en cas de section totale (…) suivie d’une greffe sur une autre moelle.
D’autres zones d’ombres sur la faisabilité du projet HEAVEN/GEMINI subsistent, dont on vous épargnera les détails techniques très pointus. Mais il y a également des craintes quant au timing de l’annonce, jugée trop précoce, risquant à tort de nourrir des espoirs chez les patients paraplégiques et tétraplégiques, sans parles des risques de dérives que s’accorderaient les plus puissants et fortunés de ce monde.
Et vous, quelle est votre opinion sur la greffe de tête, et les opportunités médicales qu’elle offre ?
Pingback: courtier